Le trafic de migrants
Suite aux diverses crises migratoires, le trafic de migrants est devenu l’une des criminalités dont la rentabilité s’est le plus accrue au cours des dernières années. Il vise principalement les passeurs qui, en échange de sommes d’argent parfois considérables, organisent le passage clandestin de personnes.
Les réseaux de trafic de migrants vont des plus simples (impliquant un nombre limité d’intervenants) aux plus complexes (présentant un degré tel de sophistication et d’organisation qu’on peut les qualifier de véritable organisation criminelle). En fonction du niveau de sophistication des réseaux, plusieurs méthodes de blanchiment d’argent sont utilisées pour injecter, déplacer et intégrer l'argent dans l'économie légitime.
Les opérations observées dans les dossiers transmis par la CTIF consistent généralement en des transferts de type money remittance, fréquemment en provenance et à destination de régions connues comme points de passage sur les routes migratoires pour rejoindre l’Europe de l’Ouest.
Dans d’autres cas, on observe le recours à des entreprises légales gérées par les passeurs ou leurs proches (telles que des commerces de détail ou de gros, des établissements alimentaires, des agences de voyage, des sociétés de transport, des points d’accès à Internet ou des nightshops) et utilisées le long des itinéraires pour soutenir les activités de facilitation des réseaux, notamment en fournissant un soutien logistique. Elles peuvent également servir pour blanchir les produits du crime et donner une façade de légitimité à leurs revenus. Dans les dossiers concernés, il ressort que les intervenants utilisent fréquemment leurs activités commerciales comme couverture à des activités illicites en lien avec des filières d’immigration clandestine. Même si la nature des activités commerciales développées par les sociétés pourrait justifier les versements en espèces, il est probable, au vu des informations policières, que les opérations correspondent, du moins en partie, aux bénéfices engrangés par le trafic de migrants.
Les profits générés sont investis dans des biens immobiliers, des biens de grande valeur et des entreprises légales, tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination[1].
Les réseaux criminels prospèrent grâce à la forte demande de services de passeurs et au faible risque de détection. Le trafic de migrants est une thématique qui fait l’objet de préoccupations internationales. Le GAFI, dans le cadre de ses travaux sur les tendances, y a consacré une étude typologique[2] à laquelle la CTIF a participé. Les résultats de ces travaux visent à donner un éclairage international sur le phénomène, à fournir des typologies relatives aux méthodes utilisées à des fins de blanchiment et à sensibiliser le secteur privé[3].
Les flux financiers issus du trafic de migrants restent difficiles à tracer. L’utilisation intensive d’argent liquide, l’évitement du secteur bancaire formel ainsi que l'utilisation de méthodes bancaires non officielles telles que le « hawala » constituent autant d’obstacles. D’après le rapport du GAFI, d’autres difficultés se combinent également, tels que l’utilisation de cryptoactifs et le recours à des réseaux professionnels de blanchiment.
Enfin, comme le souligne Europol[4], l’un des principaux changements observé dans le mode opératoire des passeurs est l’utilisation généralisée des services et outils numériques, tels que les médias sociaux et les applications mobiles pour le recrutement, les communications (cryptées), le partage de photos et de vidéos de (faux) documents mais également pour les transferts d’argent.
[1] Europol (2021), European Migrant Smuggling Centre - 5th Annual Report, Publications Office of the European Union, Luxembourg.
[2] GAFI, Money Laundering and Terrorist Financing Risks Arising from Migrant Smuggling, mars 2022.
[4] Europol (2021), European Migrant Smuggling Centre - 5th Annual Report, Publications Office of the European Union, Luxembourg.